Source : EWAG Martinique :
https://www.ewag.fr/2021/06/lasote-martinique/
Révolution douce. Vous pensiez que le Lasotè n’était qu’une tradition agricole ? C’est avant tout un mode de vie exemplaire, une philosophie, au cœur des valeurs de l’ESS portées par Kaleidoscope.
Le lasotè, une innovation sociale
Après près de 50 ans d’absence, le lasotè qui se pratiquait de Terreville au Prêcheur, revit en 2008, impulsé par l’association Lasotè. Mais au-delà de la pratique agricole, c’est toute l’organisation de la vie des mornes et ses valeurs fondamentales qui sont remises au goût du jour
« Libres entrée et sortie, utilité sociale, non lucrativité, gouvernance participative… bien que ce soit une pratique ancienne, le lasotè est réellement de l’innovation sociale, répondant aux critères du concept contemporain d’Économie Sociale et Solidaire », résume Annick Jubenot, Directrice de l’association.
Label des mornes
D’une difficulté — les esclaves libres s’étant vus proposer à l’achat les terrains les plus pentus — les habitants des mornes sont parvenus à faire émerger un modèle de société résilient, source de développement pour le territoire.
« C’est cette capacité des habitants à faire corps pour survivre, au sortir des habitations, cette capacité à créer un mode de vie solidaire et un mode de production pérenne, qui fait que les sociétés rurales existent jusqu’à aujourd’hui. »
Soutenue par Kaleidoscope, l’association cherche aujourd’hui à renforcer ses partenariats et « faire de l’ancrage », ainsi qu’à diffuser ce patrimoine immatériel.
Mise en place d’ateliers de chantiers d’insertion, formation musicale traditionnelle assurée par le fameux KZO (Casimir Jean-Baptiste), création de jaden avec les scolaires, concepts agritouristiques, collaboration avec le ministère de la culture… la transmission est réellement de mise.
Et pour pérenniser ce modèle de société, un label pourrait bientôt être créé.
Revaloriser le patrimoine immatériel
C’est en fait en découvrant la paysannerie au Sahel et le travail des champs rythmé par le tambour qu’Annick apprit de son père que les mêmes pratiques existaient chez elle, à Fonds Saint Denis.
Pourtant à ce moment-là, en 1997, le lasotè n’avait depuis longtemps plus cours dans la campagne denisienne.
Pendant plus d’un an, aidée de Joël MININ, aujourd’hui pilier de l’association Lasotè, Annick visitera les anciens et anciennes de la commune pour mettre à jour les pratiques et valeurs fondamentales du Lasotè, et ainsi faire revivre la tradition agricole du kouri lasotè.
Mais si l’objectif premier de l’association était de promouvoir les process de labour et l’agriculture traditionnelle – “Le lasotè a toute sa place aujourd’hui car il permet de revenir à une agriculture saine” explique Pascale Perriet, responsable commerciale – la promotion de l’artisanat est également à l’ordre du jour. Par la confection de paniers en bambou, de “kouï” et “coucou” en calebasse, le tressage du bakoua et du vétiver, la taille des conques de lambi notamment.
Tout comme la promotion de l’oralité, par la retranscription, ou encore les pratiques collaboratives traditionnelles du “coup de senne”, du “gragé manioc” ou du “dansé kako”.
Actes militants
Pour autant, Annick et Pascale tiennent à préciser que sans trahir la tradition, il reste important d’évoluer avec son temps. Les femmes autrefois cantonnées à l’économat, à la plantation et à la récolte ont maintenant toute leur place dans les travaux plus physiques.
Toujours dans le respect des valeurs fondatrices de ces sociétés rurales, les savoir-faire des anciens sont par ailleurs optimisés, dans une démarche d’ingénierie autour de la gestion énergétique, agronomique, administrative et financière.
Pour y parvenir, l’association Lasotè s’entoure de partenaires tels que la Croix-Rouge, l’association Les jardins de Trenelle- Ypiranga, les mairies du Nord Caraïbes, la SAS AGROPEYI, la FREDON, l’ONF, le PNRM…et crée ainsi du développement par la mutualisation. L’essence même du lasotè.
A notre arrivée au local de l’association Lasotè localisé au quartier Trou Vent, Annick et Pascale nous avaient d’ailleurs accueillis avec des accras à la farine de banane et des jus préparés avec des produits des paniers hebdomadaires de l’association Lasotè.
“Les bananes viennent de chez la famille PICARDON, puis ont été transformées en farine par monsieur Luc CARISSAN, membre de l’association” nous avait expliqué Annick.
“C’est cela l’esprit du lasotè, cet esprit de mutualisation et de symbiose. Cette idée qu’à plusieurs, on fait beaucoup !”
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